En plein cœur de la Sibérie se situe le lac d’eau douce le plus grand du monde. L’immense et impressionnant Baïkal compte de nombreuses îles dont la plus grande est aussi la seule habitée. Pour pouvoir mieux nous imprégner de la beauté pure de cette merveille de la nature, on part s’isoler quelques jours sur l’île d’Olkhon.
Le trajet
De la ville d’Irkoutsk, il faut plusieurs heures pour rejoindre les berges du lac, dans un minibus rempli de touristes attirés par ce lieu pour les mêmes raisons évidentes que nous. Seulement 15 minutes de ferry sont ensuite nécessaires pour accoster sur l’île d’Olkhon. C’est l’occasion de (re)découvrir la surface parfaitement plane de cette gigantesque étendue d’eau.
Notre transbordeur fend ce miroir impeccable qui se reforme petit à petit, effaçant les traces de notre traversée. L’onde ainsi créée ressemble à du métal liquide très pur. L’eau est tellement claire qu’on peut apercevoir le fond quand on se rapproche des côtes.
Encore une heure de trajet pour arriver à Khoujir le village le plus grand de l’île. Comme on suit les recommandations de Zhanna – et pas celles d’un guide de voyage –, on se sépare du groupe de touristes qui se retrouvent tous dans une énorme guesthouse. Pour nous, pas de couchsurfing cette fois-ci, mais un petit chalet en bois très cosy dans la cour du couple propriétaire très souriant. Il se passe quoi avec ces Russes ? On nous avait plusieurs fois mis en garde contre leur froideur et leur rudesse. C’est tout le contraire depuis qu’on est arrivés dans leur pays. Comme s’ils avaient été prévenus. Bizarre… On dépose nos affaires, on s’installe dans notre nouvelle maison éphémère, et on se détend.
Le sauna russe
Pour que la décontraction soit totale, on demande à essayer le banya, l’équivalent russe du sauna scandinave. Il n’y a pas l’eau courante sur l’île, donc c’est aussi le seul moyen de se laver et un excellent remède contre le froid. Dans une pièce toute en bois, on place de l’eau à bouillir sur le poêle qui réchauffe le précieux liquide et les corps transis des voyageurs crasseux.
Dans une autre cuve, il y a l’eau froide glacée qui vient directement du lac. Chacun fait son petit mélange pour obtenir la température souhaitée. Je rajoute des bûches dans le poêle pour faire monter la température. Ambiance torride en Sibérie. Le seul regret, c’est de se trouver un peu trop loin du lac pour pouvoir s’y rafraîchir après cette suée. Il paraît que ça porte bonheur et que ça prolonge l’espérance de vie d’au moins 5 ans. En cette période de l’année, il gèle tous les soirs. Je vérifierai donc ça plus tard… Pour le moment, je me contente de grands baquets d’eau froide pour calmer les ardeurs.
Après ce bon banya, on n’a pas trop l’énergie pour faire quoi que ce soit. Ça tombe bien, c’est la fin de la saison touristique et tout est fermé sur Olkhon. On se cuisine donc nos pilminis – raviolis russes à la viande – au calme, dans notre cabane en bois. Tranquille.
L’île chamanique
L’île d’Olkhon est réputée pour être un des lieux sacrés du chamanisme. Cette pratique magico-religieuse qui fait notamment intervenir la transe et les pratiques divinatoires prend sa source au cœur des sociétés traditionnelles sibériennes.
Sous le règne de ce bon vieux Gengis Khan (la Mongolie n’est pas si loin), les chamanes persécutés par les lamas bouddhistes se sont réfugiés sur cette île. Elle est donc devenue un centre chamanique de la plus haute importance et une résidence emblématique pour tous les esprits qui peuplent le Baïkal.
En se baladant en dehors de Khoujir, on tombe rapidement sur le cap Bourkhane, le relief le plus célèbre d’Olkhon, également appelé la Roche du Chamane. Les adeptes pratiquaient ici des cérémonies de culte et faisaient des sacrifices pour célébrer la puissance des esprits.
Les chamanes n’ont pas besoin d’édifice spécial pour accomplir leurs rituels : la nature est le seul Temple Divin. Du coup, on n’est presque pas surpris de découvrir un peu plus loin des cercles chamaniques. L’évolution d’une personne vers le centre de cet espèce de labyrinthe représente sa recherche d’harmonie avec les éléments qui l’entourent.
Pour ma part, je m’interroge sur l’esprit qui pousse ce chien-loup à nous accompagner partout. Est-ce un guide qui doit nous aider à ouvrir les portes de la perception ? Ou bien simplement un éventuel compagnon de jeu passablement affamé…
En tout cas, l’énergie qui règne sur cette île est particulière, et quand on contemple un coucher de soleil sur la « Mer Sacrée », ce n’est pas difficile de le ressentir. C’est beau, et notre chien-loup est d’accord avec nous.
Khoujir, l’ancien port de pêche
Sur la route du retour au village de Khoujir, nous admirons quelques jolies maisons construites avec le bois des nombreuses forêts de mélèzes qu’on trouve sur l’île d’Olkhon.
Avant qu’elles ne soient construites pour recevoir des touristes, de plus en plus nombreux, elles accueillaient une population de pêcheurs à l’omoul, un poisson endémique du Baïkal. Aujourd’hui, cette activité est quasiment à l’abandon et les bateaux coulent ou rouillent au fil des saisons, sous l’œil des visiteurs de l’île qui n’y prêtent guère attention.
En quelques années, Olkhon est devenu un carrefour très en vue pour de nombreux globe-trotters qui rejoindront ensuite la Mongolie, ou poursuivront leur chemin en Russie.
En voyageant à cette période de l’année, on n’a pas du tout ressenti les effets de cette surpopulation touristique, mais j’imagine bien qu’à la belle saison, le calme et l’isolement ne doivent pas être les vertus premières de Khoujir. En témoignent ces nombreux bars, et même cette discothèque, implantés sur la rue principale, heureusement fermés pendant notre séjour
L’adieu au lac
Il est temps de faire le chemin inverse, de quitter l’île d’Olkhon et de regagner Irkoutsk. Du ferry qui nous rapporte sur le continent, j’observe une dernière fois le bleu du Baïkal.
1620 mètres de profondeur. Hallucinant. Témoin de l’histoire des hommes et de la Terre depuis 25 millions d’années. Un grand-père à la barbe longue qui pourrait faire boire toute l’Humanité pendant 40 ans si toutes les sources d’eau potable venaient à tarir. Respect.
On retrouve le bleu des yeux de Zhanna pour quelques jours. Nous la remercions pour son accueil chaleureux et sa gentillesse naturelle. Le transsibérien nous attend…