Je parlerai vite fait de la folie des trains en Inde, unique en son genre et qui draine plusieurs millions de personnes par jour. J’avais une petite expérience de la chose, il y a sept ans, mais à l’époque, j’étais drivée par une copine connaisseuse, Gyan Shakti, qui s’était occupée de tout.
Le train indien
Je lui dis merci car, s’occuper de ça tous seuls, c’est une autre histoire. Pour le trajet Bodhgaya-Varanasi, on a décidé d’improviser à la gare : 3 ou 4 heures de trajet, on avait vu pire dans d’autres pays. Ça s’est quand même fini en soudoyant le contrôleur pour avoir des places assises. Merci notre statut de touristes blancs…
Il faut dire que pour les classes de seconde sans réservation, les gens sont limites à se taper dessus pour arriver les premiers dans le wagon ou à sauter par la fenêtre (quand il n’y a pas de barreaux) pour griller tout le monde. On n’était pas sûrs d’être prêts finalement.
En arrivant à la gare sud de Varanasi, on demande à partager un tuk-tuk mais le conducteur nous dit d’un air très embêté qu’il va falloir attendre, longtemps… OK, mais hey, on n’est pas des touristes comme les autres nous ! On bavarde, je fume une clope, Kélig apprend les rudiments de conduite de ce véhicule… Bref, on est fatigués, tout le monde n’a pas la patience d’attendre. On se casse. Mais on a bien accroché avec le conducteur qui nous raconte des détails de la vie à Varanasi et des mots de vocabulaire en hindi.
Cité de la Vie
Puis on prend Varanasi en plein dans le cœur !
La ville, connue sous le nom de Kashi (cité de la Vie) puis Bénarès et enfin Varanasi, est une des cités du monde les plus anciennement peuplées. Elle est aussi connue pour être une des sept villes indiennes les plus sacrées. Les pèlerins hindous viennent sur les ghats qui bordent le Gange pour se purifier, laver leurs péchés de toute une vie et brûler leurs êtres aimés.
C’est un endroit privilégié pour être incinéré car il est dit qu’ici est offert le moksha (libération ultime du cycle des réincarnations), ce qui fait de Varansasi, le cœur de l’univers hindou.
Les rituels concernant la mort se déroulent en public. Les corps enroulés dans du tissu, sur des brancards en bois ou en bambou, sont transportés à travers les rues par des porteurs dont c’est le métier, qui courent et chantent à tue-tête jusqu’au ghat de crémation. Et là, les familles restent avec leur mort, dans un tête-à-tête qui ne prend fin que quand le dernier os est consumé, dans la fumée et une odeur atroce.
Au-delà de ça, la vieille ville est un enchevêtrement de ruelles, un labyrinthe qui nous conduit de surprises en chai, en discussions philosophiques jusqu’au bain des buffles étrillés par leur maître avec vigueur.
Il fait atrocement chaud, le sol est jonché de détritus puants dont les vaches sacrées se nourrissent ainsi que de sacs plastiques d’ailleurs. Elles lâchent donc des bouses bombes sacrées, mais quasi nucléaires… Le plus drôle, c’est de rentrer à la guesthouse en parcourant le dédale de ruelles, dans le noir…
Mais c’est ici que j’ai ressenti au plus fort de mon âme, l’hindouisme au quotidien, la ferveur qui anime les Indiens de la ville. Les pujas (cérémonies du matin) sur les ghats, les temples à chaque coin de rue, les autels particuliers, les chants, les processions, les cérémonies pour les morts, tout ça est très troublant et définit le visage de la ville.
Le commerce et le tourisme surfent sur la religion hindoue à l’extrême : les bijoux, les vêtements, les tissus, batik. Les dieux sont dans chaque boutique…
Si l’on dépasse ça, qu’on discute plus longtemps avec les gens, on découvre des trésors cachés et des habitants fiers de leur ville avec des histoires d’amour et d’amitié dignes de romans.
Nos balades sont lentes, sans cesse interrompues par des vendeurs en tout genre, des invitations à boire le chai, mais la chaleur humaine est très présente à Varanasi, bien plus que dans les autres villes qu’on a traversées.
On se confronte aussi, sur les conseils d’Émilie, à des cours de yoga dans une école qu’elle a repérée. Ça fait du bien à notre corps et à notre esprit et c’est marrant d’avoir une activité quasi quotidienne.
Malheureusement, toutes les deux on tombe malades à la fin du séjour, en décalé. Nos intestins nous jouent des tours.
Improbable rencontre
L’avant-dernier jour, on tombe au petit-déjeuner sur Pierre et Zhou Qi, un pote de Paris et sa chérie. Pierre est intermittent du spectacle comme nous et il nous est arrivé de bosser ensemble. C’est dingue de se retrouver sur ce toit, en plein cœur de Varanasi, au beau milieu de l’Inde… Tellement dingue que j’ai mis quelques secondes à le resituer… Honte à moi !
On décide de passer la dernière soirée tous ensemble, Émilie nous quitte demain. C’est la loose car je suis bien fiévreuse et ne profite donc de rien. Je les laisse tous discuter pour aller pleurnicher dans mon lit en souhaitant que ma mère soit là pour me câliner et me faire un bouillon de poule… La loose, j’vous dis.
Le lendemain, c’est le départ d’Émilie que je serre dans mes bras sans savoir quand on se reverra. Elle habite le Québec la miss !
On dit au revoir à Pierre et Zhou Qi, mais ils passent à Agra quand on y sera, on va certainement se revoir.
En tout cas, on est de nouveau à deux. On se recale et on redémarre !