En arrivant à Phongsaly, on n’avait absolument aucune idée de ce qu’on pourrait y trouver et encore moins de ce qu’on pourrait y faire. Après avoir enduré les 9 heures de bus depuis Oudomxay on imaginait juste qu’il y aurait moins de touristes à avoir la même idée que nous : aller voir ce qu’il se passe au nord du Nord Laos…
Peu importe, on finit par trouver notre occupation pour les prochains jours, ce sera un trek de 3 jours dans des villages Akha isolés dans la jungle laotienne. Avant de partir on prend énormément de temps pour réfléchir, poser des questions et pour s’assurer qu’on ne reproduira pas les mêmes erreurs traumatisantes qu’à la Baie de Ha Long.
Ce n’est pas une agence de voyage privée mais le centre d’information public de la ville de Phongsaly qui organise différents treks dans la région. On nous explique que 55 % de notre argent sera reversé aux villages qu’on traversera et où l’on dormira. On s’assure aussi que ces villageois ne vivent pas du tourisme mais qu’il ne représente en fait qu’un complément financier qui servira à toute la communauté. Afin de partager d’avantage les frais logistiques du trek, on trouve un touriste français qui est prêt à nous suivre dans cette expédition.
Jour de départ le lendemain matin, le responsable de l’office de tourisme nous remet une enveloppe qui contient les informations pour le guide et l’argent qui sera directement donné aux villageois en échange des différentes prestations. Pas de prise en charge à la sortie de la guesthouse, on doit se débrouiller nous-mêmes – et c’est très bien comme ça ! – avec les informations de l’office pour prendre le bus qui nous conduit à 20 kilomètres de Phongsaly, en rase campagne.
Notre guide nous attend sur le bord de la route. Il s’appelle Boun Hong, parle très bien anglais et est Akha. On a de la chance car c’est le premier guide Akha qui officie dans la région de Phongsaly. Sa langue maternelle est donc celle des habitants des villages qu’on va traverser pendant 3 jours, ce qui facilitera grandement les échanges et les relations avec les gens !
On grimpe le long d’une piste pendant 2 heures pour atteindre le premier village où l’on prendra le thé et le déjeuner. Après cette agréable mise en bouche, on attaque la randonnée un peu plus difficile pendant 3 heures à travers la jungle que je découvre pour la première fois. C’est impressionnant autant de densité et de diversité végétale, la nature semble devenue folle dans l’enchevêtrement des lianes, pendant que les arbres poussent bien droit sur des dizaines de mètres pour atteindre la lumière salvatrice du soleil et s’épanouir en une corolle de branches. De loin et d’en haut, ça à l’air d’un chou-fleur vert géant et impénétrable. À l’intérieur, pas de place pour la monotonie, les changements sont permanents et aucun mètre carré ne ressemble à son voisin. Un peu plus loin, le guide trouve des traces du passage d’un tigre ! L’animal qui cohabite assez mal avec l’homme a tendance à se faire de plus en plus rare dans le coin, comme pas mal d’autres espèces au Laos…
On sort de la jungle et on traverse un pont suspendu pour arriver à une rivière juste avant le village où l’on passera notre première nuit. Je profite de ce point d’eau pour aller me rafraichir de cette première journée de marche bien chaude et surtout pour aller jouer avec les garçons du village qui se baignent ici. Premier contact super agréable facilité par la présence de notre guide.
Le chef du village nous accueille ensuite et nous posons notre paquetage dans la chambre d’amis de la maison. 3 matelas posés au sol et des couvertures : c’est poussiéreux et sommaire mais ça nous convient complètement, on vient ici pour être logé à la même enseigne que nos hôtes. Après le thé de bienvenue, on visite l’ensemble du village. Mélange entre tradition et modernité : les coupes de cheveux à la mode des hommes côtoient les habits traditionnels des femmes. Les enfants courent et jouent sur la terre battue, s’amusant avec une caisse de bières ou avec les animaux (cochons, poulets, chiens, chats) qui déambulent en liberté.
La nuit tombe, l’heure du repas arrive. Le chef du village qui mange à notre table débute la ripaille en nous servant un shot de lao lao – le whisky de riz qu’on ne connaît que trop bien depuis notre passage à Oudomxay) – c’est la tradition et on la respectera tout au long du dîner. On profite des compétences d’interprète de notre guide pour poser quelques questions au chef sur l’impact du tourisme sur la vie du village. Ce dernier voit cela comme une opportunité pour que son peuple puisse vivre dans de meilleures conditions. Il souhaiterait que d’avantage de touristes viennent visiter le village. Nous expliquons à Boun Hong que cela peut-être risqué car si trop de touristes viennent, les villageois préfèreront quitter les champs de canne à sucre pour développer et profiter de l’activité touristique. Et dans le même temps, les touristes décideront de ne plus venir car le village n’aura plus autant d’intérêt pour eux. Notre guide partage notre point de vue et nos inquiétudes et essaie de les faire comprendre à notre hôte. Difficile de trouver l’équilibre entre les apports bénéfiques et néfastes d’une activité en plein développement et dont nous sommes les acteurs…
Je continue cette discussion très intéressante avec Boun Hong après le massage Akha de bienvenue aux invités. Je me couche en me disant qu’on n’a pas fini de réfléchir à notre impact en tant que touriste dans les pays traversés cette année…
On quitte ce premier village assez tôt le lendemain matin, une journée de 10 heures de marche nous attend. Traversée de villages et de la ville de Boun Neua avant de retrouver la jungle pour un succulent pique-nique au milieu de la végétation.
On réalise grâce aux précises et précieuses explications de notre guide, des conséquences bien visibles de la déforestation et de l’appétit de la Chine toute proche pour les matières premières laotiennes (bois, canne à sucre, légumes,…). Tout change très vite ici. Et on se demande comment le mode de vie des villageois qui vivent à proximité va évoluer dans les années à venir.
On arrive dans un nouveau village pour y passer notre seconde nuit en territoire Akha. Celui-ci est plus grand que le précédent, mais ce sont toujours les enfants qui nous réservent le meilleur accueil. Le jeu, le meilleur moyen de communication.
Nouveau repas avec le chef du village qui, préoccupé par le recensement de ses administrés, ne nous accordera pas le même intérêt que celui du village de la veille. C’est pas bien grave, on peut toujours discuter avec un Akha et en anglais : notre jeune guide est toujours prompt à répondre à nos nombreuses questions, et les discussions avec lui sont toujours intéressantes.
On terminera ce trek le lendemain en rentrant sur la ville de Boun Neua où l’on prendra le bus pour rentrer sur Phongsaly. L’aventure aura été belle autant sur le plan humain que le plan sportif. On se félicite en se disant que notre volonté de nous impliquer dans un tourisme davantage solidaire et responsable a porté ses fruits et notamment grâce à ce guide incroyable.
En espérant que la suite soit dans la même veine !